N° 780 | Le 12 janvier 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
S’inspirant des thématiques largement développées dans les disciplines qui se réclament du courant du développement personnel, l’auteur nous propose une parodie grinçante et hilarante sur le petit monde bien entendu imaginaire de la thérapie. Comme il se doit, toute ressemblance dans cette fiction avec des personnes et théories existantes ou ayant existé serait purement fortuite !
De quoi s’agit-il ? D’une méthode qui réunit, synthétise et combine toutes les thérapies et techniques de bien-être connues (et inconnues) : la Californie des années 1960 et le signifiant lacanien, le biofeed-back et les huiles essentielles, les jeux de rôle et le karaté sophrologique, le drainage lymphatique et le qi gong, le shiatsu et l’huile de rhubarbe, l’acupuncture et le bouddhisme tantrique, le zen et le body-building, le jogging et l’analyse transactionnelle, l’art-thérapie et la macrobiotique, le régime crétois et la thérapie cognitive, l’enveloppement d’algues et le psychodrame, la méditation transcendantale et l’electro- stimulation musculaire, le hatha yoga et l’analyse jungienne, la philocalie et le caisson d’isolation sensorielle, la sexothérapie et la cure de sommeil, la philosophie des stoïciens et les ions négatifs, le massage d’orteils et le rêve éveillé, sans oublier ni la psychanalyse, ni la cure de radis noirs.
Cette méthode globale permet de reprendre contact avec le potentiel inépuisable qui gît en chacun d’entre nous. Car, comme chacun le sait, l’être humain possède en lui, dès sa naissance, des facultés insoupçonnées, des capacités de création infinies, des pouvoirs sans limites. L’individu constitue donc à la fois l’obstacle et la solution, le trésor et le maillon faible, son plus sûr allié et son pire ennemi. C’est bien lui qui doit être aux commandes et inventer son propre scénario. Discours séduisant s’il en est ! Pour réussir une méthode, il faut trois bons quarts de banalité absolue et un petit quart de délire.
Les ressorts sont toujours les mêmes : les gens sont paumés, malheureux, médiocres. D’abord, les rassurer : il suffit de leur affirmer qu’ils sont géniaux, créatifs… puis ensuite les exciter : ils sont capables de tout, et d’abord d’être heureux, pleinement, ils vont pouvoir aller de plus en plus loin, plus vite et de plus en plus fort… sans limites. Cela tombe bien. Les gens veulent tout, tout à la fois, sans se préoccuper des compatibilités ou des impossibilités : être au calme et vivre de grandes aventures, ne rien faire et gagner gros, se bâfrer et être minces. L’affirmation la plus stupide, le subterfuge le plus grossier passent sans aucune difficulté. L’étendue de la crédulité est dépourvue de bornes. Pourtant, il est possible de réussir sa vie, à condition toutefois de se rappeler que l’existence ne peut s’apprendre selon aucune méthode, mais en acceptant de la mener à tâtons, dans l’ignorance et le risque, en sachant endurer la solitude, l’angoisse et les coups durs.
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