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• Portrait : À la rencontre d’anciens enfants placés - Marc
Lucile Barbery, ancienne éducatrice spécialisée de l’aide sociale à l’enfance devenue photographe, est allée à la rencontre des premiers concernés par la protection de l’enfance : les enfants placés devenus adultes.
« Ils ont des choses à nous dire : Qu’est-ce qui les a tenus ? A quoi se sont-ils accrochés ? Quels ont été les obstacles rencontrés ? La violence n’est jamais bien loin, du petit acte d’apparence anodine aux faits les plus intolérables. Ils se sont majoritairement tus. Aujourd’hui, Leurs voix s’élèvent, se rejoignent. Tout en nuances et finesse. Aujourd’hui ils nous font don de leur savoir, de leur expérience, d’une part de leur vie », explique-t-elle.
Elle a rencontré une vingtaine de personnes*, les a photographiées dans un lieu de leur choix, « un lieu signifiant pour elles ». Elle a écouté leur récit de l’adulte qu’elles étaient devenues, leur regard sur la protection de l’enfance, leur témoignage a été écrit avec les personnes et elles lui ont confié une photo d’elles prise durant le placement. Après six premiers portraits publiés au début du printemps, nous reprenons la série avec six nouveau portraits, aujourd’hui retrouvez Marc.
* Les prénoms ont été modifiés.
MARC
- Marc, 19 ans, sur son lieu de pêche, Andrézieux (42) - (c) Lucile Barbery
J’ai été placé à 3 ans. J’ai fait une famille d’accueil et quatre foyers. Les trois-quarts des foyers que j’ai fait, j’en ai pensé que du mal. L’ aide sociale à l’enfance (ASE), c’est encore pire. Quand t’es tout petit et dans un gros institut, tu n’as pas le même encadrement. Pour eux t’es un paquet de fric et rien d’autre. L’accompagnement était assez vague. J’aurai voulu des personnes plus à l’écoute et quand tu leur demandes quelque chose de vraiment important qu’on ne te réponde pas : « attends, j’ai ça, ça et ça à faire ».
Dans l’avant-dernier foyer, un foyer d’accueil d’urgence. Les jeunes étaient plus vieux que moi avec pas mal de problèmes psy. C’étaient aussi les pires éducs que j’ai connu de ma vie. J’étais le seul jeune qui me levait le matin pour aller à l’école. Si je ne me levais pas, il n’y avait personne qui me réveillais. Je faisais beaucoup de vélo tout seul. La pèche, c’est une de mes grandes passions. Je n’ai jamais eu de soutien, jamais eu personne derrière moi. Je suis habitué à la solitude. Toute ma vie, j’ai eu que des phrases « t’es comme ton père, un meurtrier… ». Même des éducs.
Comment veux-tu faire confiance à quelqu’un qui te dit : « Tu ne t’en sortiras jamais ». On a beau être en foyer, on n’est pas des mauvaises personnes. 99 % des gens, ils auraient vécu ce que j’ai pu vivre, ils ne s’en seraient pas relevés. Quand je suis arrivé dans mon dernier foyer, c’était pour être autonome. K. (un éducateur), c’est « tout ». L. (une éducatrice), elle m’apportait beaucoup d’affection, sa douceur, sa gentillesse, mais droite quand il le fallait. Maintenant, je ne me fie jamais aux premières impressions. J’observe beaucoup et j’écoute les gens. J’ai appris ça à mes dépends. Je veux construire la vie que je n’ai pas eu avant, ma famille, mon travail, ma maison, avoir ma petite vie, pénard.
- Marc, 17 ans, au foyer. (c) DR
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