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• Portrait : À la rencontre d’anciens enfants placés - Xavier
Lucile Barbery, ancienne éducatrice spécialisée de l’aide sociale à l’enfance devenue photographe, est allée à la rencontre des premiers concernés par la protection de l’enfance : les enfants placés devenus adultes.
« Ils ont des choses à nous dire : Qu’est-ce qui les a tenus ? A quoi se sont-ils accrochés ? Quels ont été les obstacles rencontrés ? La violence n’est jamais bien loin, du petit acte d’apparence anodine aux faits les plus intolérables. Ils se sont majoritairement tus. Aujourd’hui, Leurs voix s’élèvent, se rejoignent. Tout en nuances et finesse. Aujourd’hui ils nous font don de leur savoir, de leur expérience, d’une part de leur vie », explique-t-elle.
Elle a rencontré une vingtaine de personnes*, les a photographiées dans un lieu de leur choix, « un lieu signifiant pour elles ». Elle a écouté leur récit de l’adulte qu’elles étaient devenues, leur regard sur la protection de l’enfance, leur témoignage a été écrit avec les personnes et elles lui ont confié une photo d’elles prise durant le placement. Après six premiers portraits publiés au début du printemps, nous reprenons la série avec six nouveau portraits, aujourd’hui retrouvez Xavier.
* Les prénoms ont été modifiés.
XAVIER
- Xavier, 19 ans, à Montbrison (42) (c) Lucile Barbery
J’ai été placé à 16 ans. J’aurai voulu que mon éducateur (en prévention spécialisée) me sorte avant de chez moi, que je n’ai pas besoin de lui dire. Mais, c’est moi aussi, je mentais, je disais que ça allait bien. Avant ça, une fois mon père m’avait tellement tapé que les gendarmes étaient venus. Je baissais la tête, je ne voulais pas qu’ils voient que j’étais tout bleu. Mon père a dit que c’était de ma faute s’il avait crié. Je me suis fait engueuler de loin par les gendarmes. Ils étaient restés à la porte.
Le conseil départemental (CD) ne voulait pas financer le foyer. Mon éducateur m’a dit : « ce n’est pas perdu, on va passer devant la juge, le CD va devoir s’y plier ». Le placement a été une délivrance, des menottes qui s’enlevaient, de l’autonomie, de la compréhension, de l’amour. Quand je suis allé voir le psy, enfin on me comprenait. Quand il m’a dit : « oui tu as raison » … Ce souffle ! Ca m’a tellement soulagé ! Au foyer, un éducateur me frottait la tête en disant : « je suis fier de toi ». Un autre me disait : « t’as bien mérité une glace ! ». Ce qui a été bien avec lui : une fois il s’est confié à moi, de quand il était enfant. Je n’étais pas sûr de moi, je laissais tomber. C’est la reconnaissance de mes éducs qui m’a fait changer.
En foyer, on réfléchissait par nous-mêmes et j’adorais ça. La route du foyer, c’était la route de la délivrance et du calme. Mine de rien, j’ai « connu la guerre » : manger des produits périmés, des colis de la Croix Rouge, avoir des pantalons trop courts… Il y avait beaucoup de privations. Je ne dis pas que je suis exceptionnel mais qu’est-ce que je suis fier de mon parcours ! J’aime aider les gens. C’est mon rêve plus tard, de voir des enfants comme moi, de leur dire : « fonce ! t’es ce que tu es ». Je rêve aussi de pouvoir rendre fier mes éducateurs, mine de rien ils m’ont éduqué.
- Xavier, 17 ans, au foyer. (c) DR
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