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🖋 Autoportrait de travailleur social âą Romain Dutter, coordinateur culturel au sein du centre pĂ©nitentiaire de Fresnes
Autoportrait de Romain Dutter, coordinateur culturel au sein du centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) de 2008 à 2018, auteur et scénariste de BD.
« Ai-je vĂ©ritablement choisi ce mĂ©tier ou sâest-il naturellement imposĂ© Ă moi ? Jâoscille en permanence entre ces deux options »
Quel mot associez-vous spontanĂ©ment au travail social ? Essentiel. Tout comme la culture et lâĂ©ducation. MĂȘme si, preuve en est en ces temps de Covid, cela ne semble pas forcĂ©ment partagĂ© par nos dirigeantsâŠ
Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?
Difficile de rĂ©pondre Ă cette question. Car lâai-je vĂ©ritablement choisi ou sâest-il naturellement imposĂ© Ă moi ? Jâoscille en permanence entre ces deux options. Mais disons - si je dois gratter un peu dans mon cerveau et ses parties consciente et inconsciente -, que le poste de coordinateur culturel en milieu carcĂ©ral que jâai occupĂ© pendant dix annĂ©es a Ă©tĂ© le prolongement logique de mon parcours personnel et universitaire, de mon Ă©ducation, de mon double intĂ©rĂȘt de toujours pour le social et le culturel, de mon « goĂ»t des autres ». Pour faire simple. Une premiĂšre expĂ©rience (dâanimateur cette fois) en prison au Honduras en AmĂ©rique centrale en 2003, a Ă©galement jouĂ© un rĂŽle dĂ©cisif dans mon parcours et mâa probablement orientĂ© vers ce « choix ». Et puis, il y a aussi une part de hasard dans tout cela.
Quelles formations avez-vous suivies ?
Je suis titulaire dâun Master 1 de lâInformation et la communication (option MĂ©diation culturelle), dâun Master 1 dâĂtudes Latino AmĂ©ricaines (DELA) et dâun Master 2 de CoopĂ©ration internationale et Politiques de dĂ©veloppement. En revanche, je nâai suivi aucune formation particuliĂšre pour intervenir et travailler en milieu carcĂ©ral.
Quel sont vos meilleurs et pires souvenirs professionnels ?
Je nâai pas, Ă proprement parler, de « meilleur » ou de « pire » souvenir de cette expĂ©rience en milieu carcĂ©ral. Mais plutĂŽt une quantitĂ© de souvenirs de moments magiques, uniques ou parfois plus compliquĂ©s. Ce qui me passionnait dans cet exercice et dans la mise en place dâactivitĂ©s culturelles en dĂ©tention, câest que rien nâĂ©tait jamais gagnĂ© dâavance, que tout Ă©tait en permanence imprĂ©visible. Une activitĂ© (thĂ©Ăątre, musique, Ă©criture, concert, etc.) parfois difficile Ă mettre en place, parfois commencĂ©e dans la « douleur », pouvait soudainement donner lieu Ă des instants de grĂące, Ă une vĂ©ritable « communion » que seule la culture, Ă mon sens, peut permettre.
Quel est votre livre de chevet ?
Je recommande vivement la lecture de la nouvelle Ă©dition du Guide du prisonnier, ouvrage de la section française de lâObservatoire international des prisons (OIP), coordonnĂ© par un trĂšs bon ami Ă moi, Julien Fischmeister (ancien responsable du Point dâaccĂšs au droit du centre pĂ©nitentiaire de Fresnes) paru aux Ă©ditions de la DĂ©couverte. Câest un livre destineÌ aux personnes incarcĂ©rĂ©es, aÌ leurs proches, aux professions judiciaires, aux intervenants en milieu carcĂ©ral et aÌ tout citoyen sâinterrogeant sur les droits des prisonniers. Et qui rĂ©pond, par le biais dâun jeu de plus de mille questions/rĂ©ponses, Ă toutes les interrogations que tout un chacun peut avoir sur la vie en prison, les activitĂ©s qui y sont proposĂ©es, le travail en dĂ©tention mais aussi sur les amĂ©nagements de peine, lâĂ©valuation et la prise en charge de la radicalisation, les droits des personnes Ă©trangĂšres dĂ©tenues, etc.
La prison enfermée dans une BD
Romain Dutter a relatĂ© son expĂ©rience de coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes dans la BD Symphonie carcĂ©rale, petites et grandes histoires des concerts en prison, rĂ©alisĂ©e avec le dessinateur BouqĂ© (Ăd. Steinkis, 2018). Il propose aussi une rĂ©flexion sur la pertinence de la musique, de la culture, du travail social plus largement, de tous ces projets mis en place Ă destination des publics dits « empĂȘchĂ©s », « Ă©loignĂ©s » de la culture. Au-delĂ de ce tĂ©moignage trĂšs personnel qui lui a permis de clore cet « intense chapitre » de sa vie, il espĂšre que cette BD pourra aussi servir dâoutil pĂ©dagogique aux intervenants socioculturels en milieu carcĂ©ral, aux artistes, Ă tous ceux et celles qui souhaitent intervenir en dĂ©tention. « En tout cas, câest de cette maniĂšre que je lâai pensĂ©e », souligne-t-il.
Il finalise actuellement Good bye Ceausescu, un second roman graphique (toujours avec son compĂšre dessinateur BouqĂ© chez le mĂȘme Ă©diteur) qui porte sur la Roumanie, trente ans aprĂšs la chute de Ceausescu et la « RĂ©volution » de 1989. LaurĂ©at, pour son nouveau projet BD (Ă venir) sur lâAmĂ©rique latine, du programme de rĂ©sidences dâĂ©crivains mis en place par la RĂ©gion Ăle-de-France, Romain Dutter intervient tout au long de lâannĂ©e universitaire 2020-2021 au sein de lâInstitut des hautes Ă©tudes de lâAmĂ©rique Latine (IHEAL) et sur la ville dâAubervilliers (Seine-Saint-Denis) dans des collĂšges, lycĂ©es, mĂ©diathĂšques, centres sociaux, etc. afin de proposer diffĂ©rentes activitĂ©s autour du livre, de la lecture, de la BD, en lien avec lâAmĂ©rique latine.
Vous ĂȘtes tentĂ©s par lâexercice dâautoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? NâhĂ©sitez Ă nous contacter Ă lâadresse suivante : katia.rouff@lien-social.com