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📝 Tribulations dâune assistante sociale de rue âą La Jupe du mardi (1)
Mes rĂ©flexions dâaujourdâhui portent sur la condition de la Jupe.
Pour vous mettre dans le contexte, il y a quatre ans, ma garde de robe se composait principalement de jupes, de collants et de leggings qui engloutissaient mes rares jeans. Quand jâai postulĂ© au poste dâassistante sociale de rue, jâai tout de suite su que jâallais devoir modifier ma façon de mâhabiller et que le confort de mes vĂȘtements deviendrait primordial. Il est Ă©vident que la Jupe nâest absolument pas pratique, lorsque lâon sâassoit au sol pour discuter avec les personnes rencontrĂ©es, situation dans laquelle les collants peuvent Ă©galement rapidement souffrir dâaccrochages qui se terminent, invariablement, en filages. Ces raisons nâont pourtant jamais Ă©tĂ© celles qui crispaient les discussions entre les membres de lâĂ©quipe.
Je me suis donc rĂ©habituĂ©e Ă porter des pantalons. Pourtant, il Ă©tait clair pour moi que la Jupe serait rĂ©introduite progressivement. Ce qui a Ă©tĂ© fait et ce qui a soulevĂ© de nombreux dĂ©bats. Lâargument principal Ă lâabolition de la Jupe tenait â et persiste faiblement â sur le principe quâelle sexualise celle qui la porte au regard de lâautre et favorise un transfert ou des comportements particuliers Ă son Ă©gard : propos dĂ©placĂ©s, tentatives de sĂ©duction, voire violence quand elle ne rĂ©pond pas Ă ce qui est fantasmĂ©. Ici, je prĂ©ciserai, que la Jupe nâest jamais sortie â et ne sort jamais â quand elle est de soirĂ©e en rue et quâelle est exclusivement accompagnĂ©e de leggings ou collants opaques.
Une annĂ©e a Ă©tĂ© nĂ©cessaire au public pour lâaccepter, la dĂ©couvrir et reconnaitre ses compĂ©tences, aprĂšs avoir longuement testĂ©/jouĂ© avec sa rĂ©sistance, sa posture professionnelle, la cohĂ©rence de son discours et sa position au sein de lâĂ©quipe. Il a fallu une annĂ©e de plus Ă une partie de ses collĂšgues â qui se sentaient insĂ©curisĂ©s lors du travail de rue par une fĂ©minitĂ© dĂ©voilĂ©e par la Jupe et par ce quâelle pouvait fantasmatiquement dĂ©clencher â pour ĂȘtre rassurĂ©s quant Ă lâauto-gestion de ce vĂȘtement en particulier.
De mon cĂŽtĂ©, diffĂ©rentes questions me taraudaient et me taraudent encore : la Jupe signifierait-t-elle une dĂ©valorisation de la femme, qui par son choix vestimentaire, ne se verrait pas respecter dâoffice ? La Jupe renverrait-t-elle automatiquement Ă la sexualisation prononcĂ©e de la personne qui la porte ? Pourquoi est-elle source dâinsĂ©curitĂ© pour celle quâelle habille tout comme pour ses collĂšgues ? Si aucun respect Ă la Jupe nâest possible, le sera-t-il Ă sa porteuse ? A lâinverse, obtenir le respect un jour de Jupe, ne signifiera-t-il pas que celui-ci est indubitablement gagnĂ© ? Enfin, pourquoi un simple vĂȘtement peut-il, Ă la fois, revĂȘtir reprĂ©sentations et prĂ©jugĂ©s tout comme dissimuler individualitĂ©, personnalitĂ© et caractĂšre derriĂšre un Ă©troit tissu ? La Jupe rendrait-elle faible et sans dĂ©fense ?
Alors, aprĂšs deux annĂ©es dâapprivoisement et dâadaptation, la Jupe sâimpose rĂ©guliĂšrement, surtout le mardi â journĂ©e de rĂ©union hebdomadaire â, et se fout du quâen dira-t-on !
(1) Oula, ne soyez pas effrayĂ©s, ce billet nâest pas une diatribe de type femen ou #metoo !