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📝 Tranche dâĂ©ducâ : Qui pro quoâŠ
18h30, appel Ă « maman ».
La petite fille pendue au bout du fil attend impatiemment que le téléphone décroche.
Un « allĂŽ » furtif prĂ©cĂšde la question qui va guider cette conversation.
« Tu sais maman, tonton, il Ă©tait malade avant le foyer, maintenant il est mort, tu te souviens ? »
La conversation sâamorce ainsi sur des questions existentiellement identitaires qui laissent madame muette. Et pourtant, elle trouve la force de rebondir en reprenant les propos de sa fille, en mettant du sens sur cette tragĂ©die et les consĂ©quences quâelle a engendrĂ©es, en posant des mots adaptĂ©s, mais fictifs, pour cette fillette de quatre ans et sept mois.
Cependant un détail retient son attention.
Son oncle Ă©tait malade, un cancer lui dit sa maman, drĂŽle de maladie qualifiĂ©e de « mĂ©chante bestiole invasive ». Ces petites annĂ©es la poussent Ă lâanalogie, lui demandent de mettre une image connue sur cette mauvaise petite bĂȘte qui a envahi le corps de cet oncle. Les poux, elle les connait bien ces petites choses qui lui picorent la tĂȘte Ă ne plus vouloir en partir : « aaaaah je comprends, il a eu comme des poux ! »
Maman, Ă lâautre bout du tĂ©lĂ©phone, se met Ă rire rĂ©pĂ©tant tendrement ce quâelle pensait que sa fille venait dâexclamer « Non, tu as raison, il nâa pas eu de pot ».
Jeune Ăąge oblige, la fillette ne connait pas cette expression. Mais le haut-parleur du combinĂ© en a dĂ©cidĂ© autrement, il a transformĂ©, hachurĂ© et balbutiĂ© les mauvais mots Ă madame et le quiproquo câest installĂ©.
« Pot », « Peau », quâil ait eu de la chance ou pas, elle nâa retenu quâune chose : « Quoi ? Tonton est mort et en plus il nâavait plus de peau ? ».
Elle me regarde, elle se met Ă hurler, elle se secoue les bras et tente de sâarracher cette peau dĂ©sormais terrorisante pour elle. Madame, Ă lâautre bout du fil, ne comprend pas cette soudaine agitation, et je mets moi-mĂȘme un temps avant de mettre du sens sur cette situation emplie de confusion. Le calme et lâapaisement reviennent aprĂšs que des rectifications, explications et informations lui soient donnĂ©es. Mais tonton est quand mĂȘme toujours mort.
La petite fille de quatre ans qui, dâordinaire, Ă©volue hors rĂ©alitĂ©, sâĂ©vadant souvent en des songes imperceptibles, sâancre finalement dans une tragique vĂ©ritĂ© quâelle conclut en un geste. Ainsi, dâun soupir dĂ©sabusĂ©, elle pose franchement ses coudes sur le bureau, elle laisse aller sa tĂȘte sur ses menottes et dâun regard assurĂ© fini par me dire « Tu sais, câest dur la vie quand mĂȘme. »
Vérité absolue,
Maladie incongrue,
Candeur bien dissolue,
Câest dur !
Mais petite fille au nom fleuri, tu sauras que la vie est parfois vraiment dure et bien souvent tout aussi jolie.