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🖋 Autoportrait de travailleur social ‱ Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur (1).

« L’intervention sociale d’intĂ©rĂȘt collectif est l’espace dans lequel ma libertĂ© de professionnelle peut s’exprimer et oĂč la co-construction avec les personnes prend tout son sens. »


Quel mot associez-vous spontanĂ©ment au travail social ?

Bricolage : au sens de LĂ©vi-Strauss. Le travailleur social n’a pas de recette miracle pour accomplir son travail. Il a une sorte de colonne vertĂ©brale faite d’éthique, de dĂ©ontologie, de convictions et de passion. Il a appris les fondamentaux et les mĂ©thodologies en centre de formation. Mais Ă  l’épreuve du terrain, il fait avec ce qu’il a, ce qu’il est. Ce qui ne veut pas dire ne pas ĂȘtre professionnel, au contraire : ses compĂ©tences pour gĂ©rer l’incertitude se dĂ©ploient au contact de toutes ces personnes accompagnĂ©es dont aucune ne ressemble Ă  une autre. L’assistant de service social est tout sauf un exĂ©cutant ; il s’agit d’exercer dans une dĂ©marche rĂ©flexive car toutes nos initiatives amĂšnent Ă  des questionnements en lien avec la personne accompagnĂ©e. Notre compĂ©tence est de savoir articuler le savoir prescrit avec la complexitĂ© du rĂ©el, quitte Ă  transgresser, innover, crĂ©e (cf. Philippe Perrenoud).


Pour quelles raisons avez-vous choisi votre mĂ©tier ?

J’ai eu la chance d’ĂȘtre Ă©levĂ©e dans une famille marquĂ©e par des figures habitĂ©es par des valeurs humanistes de partage, de tolĂ©rance et de respect. C’était naturel pour moi de m’orienter vers un mĂ©tier tournĂ© vers les autres. AprĂšs, VĂ©ronique Jeannot dans la sĂ©rie « Pause-cafĂ© » a fait le reste !
Impossible pour moi d’imaginer faire un autre mĂ©tier que celui qui me permet de m’immerger au plus prĂšs des personnes vulnĂ©rables, de les aider Ă  retrouver leurs potentialitĂ©s. C’est littĂ©ralement passionnant de pouvoir constituer un maillon de la chaĂźne. Être tĂ©moin de leur Ă©volution est forcĂ©ment source d’émotion mĂȘme si parfois, le rĂ©sultat n’est visible qu’aprĂšs plusieurs annĂ©es de travail.


Quelle formation avez-vous suivie ?

AprĂšs un bac inintĂ©ressant, j’ai intĂ©grĂ© l‘Institut de formation de service social de la Croix- Rouge et obtenu le diplĂŽme d’État d’assistant de service social (DEASS). En formation continue, j’ai eu la chance de suivre le cycle 1 en Gestalt thĂ©rapie. Puis rĂ©cemment, j’ai repris mes Ă©tudes et obtenu un Master en Sciences de l’éducation.


Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Il y en a plein. Peut-ĂȘtre cette maman venant me remercier de notre travail de collaboration dans l’accĂšs aux soins, aprĂšs qu’elle ait survĂ©cu Ă  un grave alcoolisme mettant en danger son Ă©quilibre familial et son pronostic vital, ou ce monsieur qui dit ne pas supporter les travailleurs sociaux mais qui Ă  force de bienveillance et d’écoute, alliĂ©es au concept de « l’aller vers » finit par avouer ĂȘtre rassurĂ© de sentir qu’il peut compter sur moi



Le pire ?

Il y en a beaucoup aussi
 Mais j’évoquerai de nouveau cette maman que son fils de huit tentait de convaincre qu’un placement provisoire serait mieux pour lui comme pour elle, afin qu’elle puisse se faire hospitaliser et se soigner. Ça reste pour moi une scĂšne dĂ©chirante, un moment terriblement Ă©mouvant. Mais en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, il est aussi difficile de supporter notre impuissance face Ă  des situations en complet dĂ©calage avec le cadre qui nous est imposĂ©. Il est indispensable que nous revendiquions nos compĂ©tences rĂ©flexives et la marge de manƓuvre qui va avec pour poursuivre nos missions sans en perdre le sens.


Quel est votre livre de chevet ?

Je lis beaucoup d’ouvrages professionnels et de fiction. Mais ma bible reste sans aucun doute L’intervention sociale d’intĂ©rĂȘt collectif, de Cristina de Robertis, Marcelle Orsoni, Micheline Romagnan et Henri Pascal (Éd. Presses de l’EHESP, 2014). La pratique collective est pour moi essentielle dans mon activitĂ© et permet de sortir de situations d’immobilisme pour les personnes et des injonctions et procĂ©dures pour l’assistant de service social. C’est l’espace dans lequel ma libertĂ© de professionnelle peut s’exprimer et oĂč la co-construction avec les personnes prend tout son sens. Nous sommes dans une position d’égal Ă  Ă©gal, et leur progression est infiniment plus rapide et bĂ©nĂ©fique qu’en pratique individuelle. La relation de confiance instaurĂ©e dans ce cadre permet un travail de meilleure qualitĂ©. La pratique collective rĂ©unit Ă  elle seule tous les articles de notre code de dĂ©ontologie. Et ce n’est pas si frĂ©quent d’ĂȘtre en accord avec ses convictions dans des contextes budgĂ©taires contraints et des formes de management pas toujours adaptĂ©es. Ainsi, aller au travail est toujours aussi rĂ©jouissant, mĂȘme aprĂšs vingt ans de carriĂšre !


(1) ‱ Osez l’ISIC pour un espace de libertĂ© et de crĂ©ativitĂ© (Éd. de l’EHESP, 2018) ;

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et prĂ©sident de la RĂ©gie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, Ă©ducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bĂ©bĂ©s Ă  la consigne depuis sa crĂ©ation en 2009.

🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)

🖋 LĂ©a Turchi, assistante de service social, coordinatrice Ă  la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social

🖋 Driss Blal, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, chef de projet au cƓur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire oĂč il a grandi Tarbes (Hautes-PyrĂ©nĂ©es)

🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spĂ©cial, agitateur spĂ©cialisĂ©, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service Ă©ducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolĂ©s Ă©trangers

🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă  la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio ArgĂŒelles BalletbĂł, Ă©ducateur dans un centre rĂ©sidentiel d’action Ă©ducative (1) des Filles de la CharitĂ©, Fondation sociale Ă  Barcelone (Espagne)


Vous ĂȘtes tentĂ©s par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? N’hĂ©sitez Ă  nous contacter Ă  l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com