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🎥 - CINĂ : Mes frĂšres et moi
Un film de Yohan Manca. 1 h 48.
Librement inspireÌ de la pieÌce de theÌaÌtre « Pourquoi mes frĂšres et moi on est partis » de HeÌdi Tillette de Clermont-Tonnerre (Ăditions Les Solitaires intempestifs).
Avec Judith Chemla, Dali Benssalah, Sofian Khammes, Moncef Farfar, MaeÌl Rouin-Berrandou.
En compĂ©tition au premier festival du film de sociĂ©tĂ© de Royan (9 â 12 dĂ©cembre 2022) - Sortie 5 janvier.
Le grand art des quartiers
Dans un quartier populaire en bord de mer, quatre frangins tentent au mieux de survivre. Pour lâun, la rencontre avec lâart — lyrique en lâoccurrence — sera dĂ©terminante.
Cet Ă©tĂ©, Nour, quatorze ans, repeint les murs de son collĂšge, dans le cadre-sanction dâun travail dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (TIG). Miracle, il y entend un jour, du haut de son Ă©chelle, une chanteuse lyrique, animatrice dâun cours dâĂ©tĂ©. La rencontre quâil va faire avec Pavarotti, la Traviata, Carmen, La Callas va ĂȘtre dĂ©terminante.
Ici, la vie est rude et douce. La plage, le foot lâĂ©tĂ©, une certaine douceur de vivre, mais aussi les violences, quâelles Ă©mergent dans la fratrie, dans les trafics, dans les rapports houleux avec les institutions.
Jouer avec la joie
Lâanimatrice-chanteuse prend en main lâadolescent, chez qui elle a pressenti passion et potentiel. Exercices de souffle, travail sur partitions, essais vocaux changent Nour des dialogues ponctuĂ©s de « fils-de-pute-ferme-ta-gueule » auxquels il est plutĂŽt abonnĂ©. Sarah, la prof, lui intime, avec douceur et fermetĂ©, de jouer avec la joie, dâen donner. « Je voulais concentrer toute lâattention du spectateur sur un sujet Ă©ternel : lâart qui nous sauve », renseigne le rĂ©alisateur. Qui choisit ici de rapprocher des quartiers relĂ©guĂ©s un art considĂ©rĂ© comme destinĂ© Ă lâĂ©lite.
Universalité
Se rĂ©fĂ©rant volontiers aux grands cinĂ©astes italiens — dont Fellini, Risi⊠— dans sa peinture des banlieues populaires, le cinĂ©aste fait le choix de ne jamais situer le quartier quâil dessine, entendant que son film soit « assimilable Ă nâimporte quelle banlieue du monde ». Une multiculture porteuse dâespoir.
Les quatre frangins, eux, se distinguent par leur caractĂšre : violent et pĂ©tri de certitudes pour lâaĂźnĂ©, fanfaron poĂšte et lourd dragueur pour le suivant, imprĂ©visible, voire ingĂ©rable pour le troisiĂšme. Le jeune Nour, quatriĂšme de la fratrie, pourra se diriger, non sans mal, vers une sorte de rĂ©demption artistique. Leur appartement, territoire commun depuis leur naissance, se rĂ©vĂšle dâailleurs ĂȘtre le symbole dâun quartier que lâon ne peut quitter.
« Fossiles familiaux »
Le cinĂ©aste sâintĂ©resse Ă ce qui se transmet, parfois en secret, entre les gĂ©nĂ©rations, ce quâil appelle les « fossiles familiaux ». Le pĂšre de Nour, dâorigine italienne, aujourdâhui disparu, chantait des airs lyriques Ă sa femme lorsquâil Ă©tait jeune. Sa mĂšre, donc, qui est lĂ en phase ultime de vie, accroissant la dĂ©tresse des frĂšres.
Ces vestiges du passé nous régissent, semble affirmer le réalisateur. Et peuvent permettre de pousser toujours plus loin une passion salvatrice.
Joël Plantet
Photo 1 : ©AD VITAM
Photos 2 et 3 : © Single Man Productions - David Koskas