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■ ACTU - Extrême droite : La justice saisie par la fondation Merci

Après des mois de harcèlements et de menaces, le maire de Callac (22) annonce, en janvier, l’abandon du projet d’accueil de réfugiés. Pour ne pas laisser la terreur avoir le dernier mot, le partenaire du projet, le fonds de dotation Merci dépose plainte contre X pour harcèlement en ligne, provocation à la haine et injure à raison de l’appartenance à une religion.

L’abandon du projet d’accueil d’étrangers sous statut de réfugiés, donc qui s’installent durablement en France, est un cas d’école. Le fonds de dotation Merci avait choisi Callac pour son projet Horizon, parce que "nous parlions le même langage avec les élus du conseil municipal". Le maire y voyait une opportunité de redonner du souffle à ce village de centre Bretagne dans les Côtes d’Armor, qui a perdu plus d’un millier d’habitants depuis les années 60.



Manifestations contre le projet d’accueil de réfugiés à Callac le 5 novembre 2022, les autorités ont repéré que les manifestants n’étaient pas du village mais des personnes mobilisées par des groupes d’extrême droite. ©PHOTOPQR/LE TELEGRAMME/MAXPPP

Depuis un an, Horizon entrait dans sa phase opérationnelle. L’arrivée de dizaines de familles de réfugiés sur dix ans auraient permis de pourvoir de nombreux emplois recensés par la municipalité : soin, service à la personne, bâtiment, commerce... Un ancien collège au centre du village allait même être réhabilité pour créer un lieu de vie : crèche, cinéma, ressourcerie. L’installation de ces nouveaux Callacois aurait donc bénéficier aux 2200 habitants.

Sauf que des réseaux d’extrême droite se sont mobilisés pour le faire capoter. Ils en ont fait "une bataille mère", précise Thomas Cohen membre de la famille fondatrice de Merci, et ont déclenché un déferlement de haine sur les réseaux sociaux. Ils ont également terrorisé physiquement les élus locaux en pénétrant chez eux la nuit.

Menaces de mort

Lors des deux manifestations, les renseignement territoriaux (ex RG) ont compté 10 personnes du village pour 150 manifestants. A coup de menaces de morts, de viol et pression permanente, cette minorité a gagné et maintient sa veille pour arrêter tout autre projet similaire. Pour riposter, le fonds Merci porte plainte contre X auprès du procureur de la République de Paris dans l’objectif de voir mener des investigations.

"Nous ne pouvons pas laisser les auteurs du harcèlement en ligne, de la provocation à la haine et des injures à raison de l’appartenance à une religion avoir le sentiment de l’impunité, explique l’avocat Vincent Brenghart du cabinet Bourdon et associés. Nous souhaitons aussi envoyer un message aux élus porteurs de projets similaires, pour qu’ils se sentent moins dépassés, isolés face aux pressions de groupes politiques aux méthodes anti-démocratiques."

Incendie chez le maire

Cette plainte contre X vise également nommément les supports de diffusion, notamment le site de Riposte laïque, qui ne modèrent pas dans les commentaires de leurs articles les appels au viol, à la haine raciste et antisémite, au meurtre. Le parti d’Éric Zemmour Reconquête ! s’est lui aussi distingué dans ce mouvement xénophobe. De leur côté, les élus ont déposé 16 plaintes qui, pour l’instant, restent sans suite.

En attendant que la justice enquête et détermine les responsabilités, la terreur se diffuse comme méthode pour dissuader les édiles d’accueillir des étrangers. Le 22 mars à 5 heures du matin, les pompiers ont dû éteindre l’incendie déclenché au domicile du maire de Saint-Brévin-les-Pins en Loire-Atlantique. L’acte criminel survient alors qu’un projet de centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) suscite des tensions au sein de la commune. Le 25 février, un défilé en faveur du CADA réunissait 900 personnes, tandis que près de 400 manifestaient contre. La municipalité maintient son cap, persuadée du bienfondé de ce choix pour la population.

Myriam Léon

À lire aussi dans Lien Social n°1250 : Droit d’asile en péril et dans le n°447 : Pourquoi on ne peut pas être travailleur social et d’extrême droite