N° 1265 | Le 21 janvier 2020 | Critiques de livres (accès libre)
Ado homo, bobo
Un certain monde patriarcal et hétéronormé dont la sexualité est exclusivement procréative, touche à sa fin, bousculé par la diversité des existences individuelles et la multiplicité des identités. Pour autant, le cadavre bouge encore. Si la France ne l’a dépénalisée qu’en 1982, il reste encore à travers le monde onze pays qui condamnent à mort et soixante-dix-sept autres qui punissent de peine de prison ou de travaux forcés l’homosexualité considérée comme une tare, une maladie, un péché, un délit ou un crime.
Cette orientation trouve son origine dans la bisexualité humaine marquée au sceau de la binarité et de la bipolarité. C’est la culture, en tant qu’imaginaire social servant de sens commun à chaque communauté, qui conditionne les modalités de manifestation des sexualités, désignant les unes comme fondées et les autres comme illégitimes. La norme judéo-chrétienne s’est construite à l’encontre des modèles de l’antiquité égyptienne, grecque et romaine, limitant les rôles sexués à la seule fonction de reproduction humaine et imposant des tabous à tout ce qui n’en relève pas. Encore aujourd’hui, à l’adolescence, chaque jeune est confronté à la tyrannie des stéréotypes et des rôles de genre : la soumission pour les femmes et la virilité pour les hommes. Toute non-conformité est alors susceptible de provoquer le rejet du milieu scolaire, familial et amical. Certains réussissent à se faire accepter comme ils sont. Un taux très élevé de suicide frappe les plus fragiles. Il y a aussi cette honte ressentie qui incite à se construire avec une cuirasse de vertu, poussant parfois à insulter ceux qui sont soupçonnés d’homosexualité, pour mieux cacher ses propres attirances. Et puis il y a l’espoir de l’entourage quant à la normalisation attendue. Certes, l’adolescence est un temps d’hésitations et de tâtonnements. Mais, il reste inhabituel d’entendre des parents interroger cette quête d’identité quand leur enfant leur révèle son hétérosexualité en affirmant : "Ne te précipites pas, prends ton temps, ce n’est peut-être qu’une passade fréquente à ton âge."
Thierry Goguel d’Allondans nous fait partager ces différents vécus à travers dix-huit histoires de vie singulières recueillies, démontrant que l’on est plus décidé par son genre qu’on en décide soi-même. L’homosexualité existe dans beaucoup d’espèces. L’homophobie est présente dans une seule. Laquelle est contre nature ?
Jacques Trémintin
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