N° 846 | Le 28 juin 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Philippe van Meerbeeck nous propose ici une promenade intellectuelle tout à fait intéressante sur la question de l’adolescence, en s’appuyant largement sur sa formation de psychanalyste. Ainsi, même si l’auteur explique avec sagesse que face au suicide d’un jeune, seule la victime est en mesure de donner les raisons de son geste, il n’hésite pas à se prononcer avec beaucoup moins de prudence sur nombre de comportements dont il situe l’origine d’une manière très péremptoire. Restent des démonstrations d’une grande pertinence et un discours tout à fait séduisant.
À la puberté, explique-t-il ainsi, survient un déferlement hormonal qui agit comme un véritable séisme sur l’organisation psychique. Tout se qui s’est passé entre 0 et 6 ans se réveille massivement et d’une manière extrêmement chaotique. Les filles doivent apprendre à découvrir l’altérité en recevant en elles le garçon et en identifiant le pouvoir de générer la vie au travers de cet enfant qu’elles sont dorénavant capables de faire grandir dans leur ventre. Les garçons, quant à aux, doivent découvrir le féminin tant chez les filles qu’en eux-mêmes, tout en affirmant leur virilité. La quête de l’autre fonde alors une relation où l’on désire être désiré et où l’on aime autrui pour ce qu’il révèle de soi.
Tout cela n’est guère facile à vivre. Ça l’est encore moins, dès lors que les adultes ne veulent pas lâcher prise et qu’ils ne comprennent pas le mécanisme latent de détachement qui s’opère. Le deuil de l’enfance remet alors en cause l’intimité avec des parents qui devient insupportable. Sans réponses apaisantes organisées et ritualisées par la culture ambiante, l’adolescent peut se mettre à adopter des attitudes aberrantes ou des symptômes effrayants qui ne sont rien d’autre que des interpellations en direction de son entourage. Dans un contexte très émotionnel, un passage à l’acte grave peut intervenir. Il ne signe pas forcément une structuration déviante grave, mais peut aussi se comprendre comme le message confus de quelqu’un qui ne sait que faire de ses pulsions.
Le jeune est alors en pleine construction et en plein remaniement. Rien de ce qu’il montre ne doit être figé, ni stigmatisé : « Poser un diagnostic sur un trouble du comportement transitoire d’un adolescent, c’est prendre le risque de le cataloguer, de le cristalliser à un moment donné de son évolution » (p.116). Tout au contraire, ce dont le jeune a besoin dans ces moments, c’est de disposer des moyens pour penser ce qui le touche, ce qui l’émeut et ce qui le trouble. Et l’auteur de montrer l’importance des rencontres avec des adultes qui ne se contentent pas d’être eux-mêmes des adolescents attardés, se limitant à des relations de complicité et de copinage, mais qui puissent aider l’adolescent à se représenter, à mentaliser et à verbaliser les mécanismes pulsionnels qui l’agitent. Ce qui est à l’opposé du diagnostic rapide qui permet de prescrire des molécules chimiques qui font la fortune des entreprises pharmaceutiques.
Dans le même numéro
Critiques de livres