N° 1140 | Le 1er mai 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Quand Pierre Bayard se pose la question de l’attitude qu’il aurait adoptée pendant le second conflit mondial, il ne tombe ni dans l’anachronisme consistant à se projeter soixante-dix ans en arrière avec la connaissance postérieure de cette époque, ni dans la stigmatisation ou l’héroïsme faciles. Le lecteur pourra lire l’introspection honnête et lucide à laquelle il se livre.
Retenons pour notre part les facteurs qu’il identifie comme susceptibles, encore aujourd’hui, de provoquer l’engagement ou l’abstention, l’implication ou le retrait, l’investissement ou la retenue. Parmi les freins potentiels, il cite la soumission à l’autorité rendue célèbre par l’expérience de Milgram qui démontre la force d’un conditionnement intégré dès l’enfance et poussant à commettre les pires atrocités, sur ordre. Autre registre illustré par les psychosociologues, celui du conformisme de masse incitant à suivre l’avis de la majorité.
Enfin, il y a cette peur face aux risques encourus qui peut peser lourd sur la conscience. Quant aux raisons qui expliquent le refus d’obéir à des demandes condamnées par les règles morales, l’on trouve d’abord la présence à soi, l’image de soi et le narcissisme qui fondent le sentiment d’une dissociation de soi si l’on ne résistait pas. Puis vient l’altruisme cultivé depuis l’enfance, l’atmosphère familiale apaisée favorisant une sécurité intérieure propice au développement des valeurs d’aide, sans en chercher la moindre contrepartie.
Enfin, cette empathie qui permet de percevoir les ressentis d’autrui et se traduit comme une contrainte intérieure emportant la décision du sujet. Aujourd’hui comme hier, se pose la question du conflit éthique débouchant soit sur la résignation, soit sur la capacité de désobéissance qui s’impose comme une évidence et la créativité pour sortir du cadre imposé permettant d’inventer des bifurcations et des chemins de traverse.
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