N° 1051 | Le 23 février 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Ils sont près de 2 000 économistes à avoir décidé de rompre avec cette pensée unique en matière d’économie qui prétend nous convaincre qu’il n’y aurait pas d’autres solutions, pour faire face à la crise, que de nous serrer la ceinture. « Les économistes atterrés » publient ici leur troisième ouvrage, fruit de la collaboration de vingt-sept d’entre eux. La lecture est simple, la démonstration est brillante et la dénonciation implacable.
Voilà un livre dont la lecture apparaît non seulement indispensable, mais profondément hygiénique pour tout lecteur soucieux de se débarrasser des scories de l’idéologie néolibérale, et plus particulièrement pour des professionnels du social confrontés au discours récurrent sur le manque de moyens. L’état des lieux part de cette restauration libérale dont l’Union européenne s’est fait le chantre, relayée par des gouvernements nationaux tant de gauche que de droite : l’emploi, le travail et la protection sociale sont devenus des facteurs d’ajustement pour répondre aux exigences de rentabilité insensées des actionnaires qui revendiquent 15 % de rendement, quand le profit moyen ne dépasse pas les 4 ou 5 %. Partout sur notre continent, ce qui prévaut, c’est la politique de privatisation, de dérégulation et de déréglementation au bénéfice de la marchandisation d’une part grandissante de l’activité humaine.
En 2008, le capitalisme a connu l’une des crises les plus terribles de son histoire ? Qu’à cela ne tienne, on refait toujours plus de la même chose, en s’attaquant encore plus aux services publics, en réduisant la fiscalité, en accroissant la flexibilité des salaires, mesures censées relancer la croissance, mais aboutissant surtout à apporter au capital financier encore plus de profits. Mais cet ouvrage ne se contente pas de disséquer au scalpel le monde tel qu’il est. Il se projette aussi dans une logique de changement de logiciel, multipliant les propositions pour une autre approche socio-économique.
Trop nombreuses pour être énumérées ici, elles évoquent la nécessité de conditionner tout projet d’investissement public à la satisfaction de critères certes d’efficacité économique, mais tout autant d’utilité sociale et de soutenabilité écologique. L’idée récurrente est bien de soumettre tout gain de productivité qui enrichit la société au débat démocratique, pour savoir quelle utilisation en faire et notamment comment répartir son affectation, entre l’augmentation des revenus, les investissements d’avenir, le renforcement des services publics non marchands, la protection sociale ou la réduction du temps de travail.
Ce que nous proposent les chercheurs et universitaires spécialistes de l’économie qui ont contribué à cet ouvrage, relève d’une plus grande répartition des richesses que s’approprie aujourd’hui une poignée de nantis.
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