N° 1187 | Le 9 juin 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

De l’Amour en Autistan

Joseph Schovanec


éd. Plon, 2015, (224 p. – 17,90 €) | Commander ce livre

Thème : Autisme

Voilà un ouvrage formidable qu’il ne faut surtout pas manquer. Pourtant, son écriture peut au premier abord surprendre, semblant quelque peu affectée. Sa description peut apparaître réductrice. Son humour ravageur peut décontenancer, produisant un sentiment de gêne d’avoir à s’esclaffer de la cocasserie de certains comportements. Mais non. La syntaxe est juste particulièrement soignée. La présentation des performances intellectuelles liées au syndrome d’Asperger – l’une des nombreuses tribus de l’Autistan (le vaste univers du spectre autistique) –, pour être spécifiques, n’en existent pas moins. En outre, il ne manquerait plus qu’aux épreuves vécues par ces personnes différentes se rajoute une nouvelle discrimination : l’interdiction de l’auto-dérision à laquelle elles ont aussi droit. Joseph Schovanec nous décrit cinq destinées composées de bribes d’histoires vraies.

Aucune ne correspond en totalité à un personnage existant. Mais les pans de vie utilisés sont réels. L’auteur nous fait entrer dans l’univers mental fascinant et déstabilisant d’adultes avec autisme qui abordent l’amour avec la même rationalité apparente et la même désaffectation que pour les autres types de relations humaines. Là où gît la passion, où s’égrène la confusion des sens, où se perd la raison, le résidant de l’Autistan analyse, rationalise et évalue. Et de nous décrire Sonia, génie en mathématique, mais étrangère à notre monde ; Gabriel, autrefois enseignant à Polytechnique réduit à l’état de sdf, misanthrope en général et misogyne en particulier ; Debbie, passionnée d’art, prompte à étaler ses états d’âme ; Jessica, la grande voyageuse ; Henri-Sixte amoureux compulsif de la langue latine. Ces personnages hauts en couleurs cherchent leur place, la trouvent, la perdent, en tentant d’établir un lien amoureux dont ils ne savent identifier ni les codes sociaux, ni les ressentis. Un petit bijou émouvant et didactique.


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