N° 1154 | Le 8 janvier 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Lise Benincà s’est installée en résidence d’écrivain, pendant neuf mois, dans le hall d’exposition d’une antenne d’Emmaüs, à Paris. Elle nous en livre un récit chatoyant et rempli de poésie, rédigé d’une plume alerte. Ce qu’elle nous décrit d’abord, c’est le foisonnement de tous ces objets hétéroclites au passé non identifié, marqués par un destin et une existence : ce lit dans lequel on a dormi, cette fourchette ayant servi à manger, cette robe dans laquelle on a vécu, ces cadres qui ont orné des murs. L’occasion d’essayer de composer une image mentale de la personne à qui ils ont appartenu : ses goûts, la mode de son temps, son niveau de vie, son âge. Et puis, il y a la foule amassée aux portes qui se met à courir dès qu’elles s’ouvrent.
Bobos parisiens, familles démunies, fouineurs, curieux… certains pleurent d’avoir raté l’occasion rêvée, quand d’autres se réjouissent d’avoir découvert l’objet rare. La politique d’Emmaüs n’est pas de vendre le plus cher possible. Il faut que ce qui est exposé reste accessible à toutes les bourses, même si les encadrants ont l’œil aiguisé et savent repérer la belle pièce qu’ils ne laisseront pas brader. Mais, Emmaüs c’est aussi un chantier d’insertion professionnel qui propose à des gens ébréchés par le malheur, comme certains objets récupérés, un tremplin vers une réinsertion, une bouffée d’oxygène dans des vies compliquées, un endroit même éphémère où se poser.
On y trouve des réfugiés politiques, des grands exclus, des personnes éloignées de l’emploi, des marginaux confrontés à des problèmes d’alcool ou de drogue, lourds d’un passé difficile, encombrés par l’échec et la solitude. Ce sont ces histoires baroques, ces personnalités improbables, ces cultures différentes, ces vécus singuliers, ces parcours atypiques que côtoient les professionnels de cette association qui regroupe 25 000 compagnons dans 36 pays.
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