N° 1006 | Le 17 février 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Voilà un récit écrit de main de maître qui nous fait voyager à travers les différents établissements que l’auteur a fréquentés en tant que stagiaire, éducatrice spécialisée, chef de service, puis formatrice de professionnels du secteur médico-social. Cette longue expérience lui a permis de mesurer toute la portée de l’écrit.
Écrire sert d’abord à expliquer les objectifs de son activité et à valoriser ses idées, à préciser sa pensée et à se projeter dans l’avenir. Rendre ainsi transparent et visible son travail favorise la cohérence au sein de l’équipe. Mais écrire à propos des usagers, c’est aussi choisir des mots justes qui respectent leur singularité en rendant compte tant de leurs capacités que de ses limites. La responsabilité et la crédibilité de l’auteur sont donc engagées, d’autant plus qu’il ne maîtrise ni ce que son travail va devenir, ni comment il sera utilisé. Entre l’emploi d’un vocabulaire parfois trop impliqué et l’interprétation qu’en fera le lecteur, se pose la question de la fidélité de ce qui est transcrit avec ce qui est censé être rapporté, mais aussi de l’aptitude à interroger sa pratique et à questionner la relation d’aide. La qualité de l’écrit permet encore de mesurer la place que lui réserve l’institution.
On comprend bien, dès lors, combien on est loin du seul registre littéraire. Il s’agit bien, en utilisant les sciences humaines, de communiquer sur les souffrances des publics accompagnés afin de comprendre leur problématique et de réussir à y répondre au mieux. C’est tout ce travail qu’accompagne l’auteur dans les ateliers d’écriture qu’elle anime. La pudeur et le défaut d’assurance des participants, leur peur de s’exposer, leur difficulté à valoriser leur savoir-faire, leur paralysie autant de blocages dus au doute. Mais que de résultats passionnants quand la sensibilité émerge, libérant la profonde humanité de chacun.
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