N° 1165 | Le 11 juin 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
C’est à l’un des concepts central du libéralisme que s’en prend Daniel Cohen, cette fiction de l’homo economicus, inventée par des économistes considérant que l’individu serait uniquement motivé par un égoïsme froid et rationnel et ne chercherait, avant tout, qu’à satisfaire ses intérêts propres.
Si l’auteur rappelle les nombreux travaux anthropologiques démontrant la propension des êtres humains à la réciprocité, à la coopération et à l’empathie, il analyse les effets délétères de cette perception dans l’organisation de la société. Et notamment de ce paradoxe voulant que ce soit justement l’objectif principal qu’elle se fixe, qu’elle n’arrive jamais à atteindre. Alors même que le bonheur semblerait pouvoir être comblé par l’accès massif aux biens extrinsèques, cela ne fait qu’aiguiser la rivalité sociale, la hausse à venir des ressources fait toujours rêver. Mais, une fois réalisée, elle n’apparaît jamais suffisante.
Et l’auteur de rappeler le rôle infiniment plus valorisant, même s’ils se manifestent à bas bruit, des biens intrinsèques que sont l’affection des autres, l’amour donné ou encore le sentiment d’avoir un but dans la vie. Croire que la compétition suffira à organiser le monde relève d’une illusion aux graves conséquences, affirme-t-il. La mondialisation des échanges, la promotion de la libre concurrence, la prééminence de la loi du marché n’ont abouti, depuis trente ans, qu’à l’élimination des plus faibles et l’expansion des plus forts. En France, depuis le début des années 1980, les 10 % les plus pauvres ont vu leurs revenus s’effondrer de 60 %, pendant que les 10 % les plus riches voyaient les leurs s’envoler de 80 %.
Si l’être humain est partagé entre des gratifications immédiates et ses intérêts à plus long terme, il faut que les institutions le guide à s’élever au dessus des premières pour accéder aux seconds, conclue-t-il.
Dans le même numéro
Critiques de livres