N° 1165 | Le 11 juin 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Voilà un ouvrage à la fois édifiant et affligeant. A travers toute une série de portraits et d’analyses, d’enquêtes et de reportages, les deux auteurs décrivent la victoire inexorable de l’école de pensée libérale de Chicago qui a fini par gagner la guerre contre les keynésiens longtemps dominants. Là où Keynes voyait dans la consommation le moteur de la croissance et dans les rentiers une catégorie à euthanasier, la théorie néo-libérale propose exactement l’inverse.
Pour favoriser l’économie, il faudrait réduire la pression fiscale et diminuer les charges sociales, conformément à la théorie du ruissellement voulant que plus les riches s’enrichissent, plus les moins riches en profiteraient. Ronald Reagan aux États-Unis, Margaret Thatcher au Royaume Uni, François Mitterrand et son ministre de l’économie Pierre Bérégovoy vont appliquer ces théories, relayés par un Jacques Delors alors président de la Commission européenne qui n’aura de cesse, après la libre circulation des hommes et des marchandises, de libéraliser le secteur de la finance.
C’est ainsi qu’a triomphé l’économie de rentiers d’aujourd’hui. Toutes les barrières qui encadraient les flux de capitaux étant tombées, 706 000 milliards de dollars (soit dix fois le PIB mondial) circulent sans aucune entrave, à la recherche des placements les plus rémunérateurs. La technique a même permis de confier à des ordinateurs, équipés de programmes les plus sophistiqués, la responsabilité d’imaginer des scénarios de baisse et de hausse sur le marché, afin d’acheter et de vendre le plus vite possible, dans une logique de spéculation aveugle.
Conséquence, alors qu’en France entre 1970 et 1990, l’écart entre les 10 % les plus riches et les 10 % les moins riches s’était réduit de 4,6 à 3,3, entre 2000 et 2010, les premiers ont vu leur niveau de vie bénéficier de 400 euros supplémentaires, quand les seconds ont reçu un bonus de 8 950 euros !
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