N° 1165 | Le 11 juin 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
On vous le dit et on vous le répète : les charges sociales nuisent à la croissance, il y a trop de fonctionnaires, les États sont trop endettés, il faut faire des économies, la réduction des moyens accordés au secteur social est inéluctable. La source des déficits est-elle bien là où on l’affirme ? Après la lecture de cet ouvrage édifiant, tout lecteur ne peut qu’en douter. Le capitalisme financier a étendu sa domination sur l’ensemble de la planète. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’investissement dans l’économie réelle, mais la spéculation sur les titres disponibles en bourse. Illustration : des analystes évaluent une possible sècheresse ? Les traders négocient des contrats d’achat de blé à prix raisonnable. Ils attendent que les prix montent sur les marchés. Puis ils revendent, empochant de considérables profits. La mise au point de puissants algorithmes mathématiques et l’utilisation d’ordinateurs ultrarapides permettent de réduire le temps des transactions à six micro-secondes. Bien sûr, cela ne fonctionne pas toujours comme on le souhaiterait.
En 2008, l’une des plus grandes crises a éclaté. Qu’à cela ne tienne, les États sont intervenus, tout comme l’Union européenne : 4 500 milliards d’euros pour sauver les banques. Après remboursement de ces prêts, le coût estimé de leur sauvetage a été évalué, rien que pour la France, à 30 milliards. Ce qui a provoqué un lourd endettement des États : la dette publique de la France est ainsi passée de 60 % du PIB en 2006 à 93 % en 2013. Pendant longtemps, ils pouvaient financer eux-mêmes leurs déficits. La logique néo-libérale de l’Union européenne l’ayant interdit, c’est la Banque centrale européenne qui, en 2012, a fourni 1 000 milliards d’euros aux banques privées à des taux allant de 0,01 à 1 %, capitaux qui ont ensuite prêtés aux États, à des taux allant de 5 à 10 %.
Bonne nouvelle, dès 2009, les groupes bancaires français annonçaient 11 milliards de bénéfices qu’ils se sont empressés de partager entre leurs actionnaires et leurs dirigeants. C’est ce qu’on appelle la socialisation des pertes et la privatisation des bénéfices. On comprend que l’investissement se tourne à 75 % vers les activités de trading et de spéculation, plutôt que vers les entreprises (10 %) et les ménages (15 %). Et ce, grâce à la fusion entre banques de dépôt (où chacun(e) d’entre nous se voit verser son salaire et où nous déposons nos économies) et banques d’affaires en un unique établissement appelé « banque universelle ». Ce qui permet d’utiliser notre argent pour spéculer. Parmi les 0,01 % des salaires les plus élevés, on comptait il y a quinze ans 60 % de chefs d’entreprise et 5 % de financiers. Ils sont dorénavant respectivement 20 % et 40 %. Les bonus des traders de la Société générale étaient de 15 000 euros en 1994. Ils sont aujourd’hui de 162 152 euros. On vous le dit : c’est le social qui coûte trop cher !
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