N° 1352 | Le 2 janvier 2024 | Critiques de livres (accès libre)
Il était une fois Issa, David et Mohamed, trois jeunes de la cité Fleming à Bonneuil-sur-Marne, liés depuis leur tendre enfance par un pacte d’éternelle amitié. La situation sociale actuelle des jeunes de cité n’est en fait qu’un perpétuel recommencement. Il était une fois…
Routes parallèles
Itinéraire bis est une histoire violente. Roman social, l’aventure que livre Freddy Dzokanga est inspirée de faits réels, dans le but de nous faire découvrir ce « microcosme qu’est la cité depuis 40 ans » et de réfléchir aux questions de délinquance. Attention, il n’y a aucune apologie de la criminalité dans cette course vers le butin de cet homme qui a gravi tous les échelons du banditisme. Plutôt, au-delà de la violence du récit, l’époque des années 1980-2000, un roman vrai, quasi- documentaire sur fond d’exil et d’histoire de vie déracinée. De la cage d’escalier à la brigade de répression du banditisme (BRB), l’histoire s’écrit.
Un basculement
Cette histoire, c’est d’abord celle de l’exil d’un enfant et d’un hymne à l’intégration porté par un père déraciné et déclassé. C’est la découverte d’un pays d’accueil avec ses grands ensembles qui referment le carrefour des mondes, à Bonneuil-Sur-Marne (Val-de-Marne). L’intégration tant souhaitée devait alors se faire via l’école de la République et le métissage tant loué, quand le père avait enterré sa plume de journaliste, désabusé par la vie d’ouvrier subalterne. Mais l’école, c’est aussi la rencontre d’une autre violence, structurelle, des classes sociales et du racisme, que l’on cache à ses parents qui ont tout donné, de peur de les inquiéter. Le basculement est là et il tient à pas grand-chose.
Alors, il s’agit de se débrouiller pour s’en sortir, de posséder les produits de consommation par tous les moyens, car tout ce qui brille attire. L’intégration se fait grâce aux stigmates de la consommation. Mais aussi par les pairs, la bande, les effets de groupe. D’arrestation en arrestation, la voie de la radicalité se dessine et explique par-là l’échec de l’intégration ou de l’insertion de ces jeunes délaissés. C’est l’école de la rue qui devient repère sur fond de rencontres décisives et de violences policières. Même les éducateurs n’arrivent alors pas à suivre le rythme de la folle délinquance de cette bande qui s’enfonce dans les délits et les crimes de ces jeunes « incasables ». Les années 1980-1990 sont aussi celles de l’arrivée de l’héroïne dans les quartiers, avec son lot de morts, de violences. Puis, un jour, la roue tourne.
Il était une fois... il est toujours
Je ne vous en dirais pas plus sur la suite de l’histoire d’Issa, David et Mohamed. Ce qu’il faut lire entre les lignes, c’est le cheminement de jeunes désœuvrés depuis ces quarante dernières années, en France. Pour nous aider à comprendre l’une des facettes les plus sombres de notre jeunesse déterminée à poursuivre ses rêves au mépris des lois.
La situation sociale actuelle des jeunes de cité n’est en fait qu’un perpétuel recommencement : il était une fois... il est toujours. Comme le dit l’auteur sur son site, « il serait temps de s’intéresser à ces vagues de générations grandissant sans tuteurs, et qui n’envisagent leur avenir qu’à travers le prisme de la criminalité ».
Publié à compte d’auteur - pour cause de manuscrit refusé par les maisons d’éditions -, il faut lire Itinéraire bis !
Ludwig Maquet
L’auteur
Né en 1975, Freddy Dzokanga est natif de la ville de Bonneuil-sur-Marne. Manager de formation et éditeur spécialisé d’ouvrages en langue lingala, il s’exerce à l’écriture d’œuvres littéraires depuis plus d’une vingtaine d’années. Itinéraire bis est son premier roman.
Pour en savoir plus : https://www.itinerairebis-roman.com/
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