N° 828 | Le 15 février 2007 | Philippe Gaberan | Critiques de livres (accès libre)
L’acteur social : le sujet et l’évaluation des politiques sociales
Sous la direction de Jean Biarnès & Christine Delory-Monberger
« Le social ne s’apprend pas dans les livres. Il faut avoir été confronté au quotidien de la souffrance individuelle, des conflits de groupes ou des conséquences parfois dramatiques sur les personnes concernées de décisions politiques prises hâtivement pour mieux saisir les enjeux qui traversent l’action sociale » (p.73). Voilà plusieurs années maintenant que, à l’occasion du cycle de séminaires Les ateliers du CCAS, Gérard Laniez fait converger des esprits libres vers La Rochelle, « ville généreuse, belle et rebelle », comme il aime à dire en épitaphe à ce premier fascicule consacré à la place du sujet dans les politiques sociales.
Pas de discours purement idéologique dans les sept contributions rassemblées dans ces quelques 130 pages imprimées avec beaucoup de soin, mais la présence d’analyses percutantes et souvent en rupture avec la langue du politiquement correct. Ainsi en matière de logement social, Nacira Guérif-Souilamas dénonce « l’arbitraire et l’absence de démocratie et de transparence rendues possibles par le fait qu’en matière d’attribution de logement social, il n’y a pas de face à face entre les décideurs et les éventuels bénéficiaires. » (p.98).
L’autre n’existe plus en tant que sujet de sa propre existence. Jean-Pierre Boutinet, connu pour ses travaux sur le projet, montre quant à lui comment les travailleurs sociaux ont cédé à la fascination pour cet outil qu’est le projet et deviennent ainsi complices de cette « normalisation de la déviance […] devenue une des exigences prioritaires des temps modernes » (p.57). Dans la même perspective (pp. 39 et suiv.) Jean-Jacques Schaller entreprend de démontrer comment la loi du 2 janvier 2002 instrumentalise l’action sociale et rallie celle-ci au projet de destruction du sujet humain placé au cœur de l’économie libérale.
Pour autant, les auteurs ne font pas que se plier à un exercice de critiques faciles. La lucidité des propos sert de fondement à l’affirmation d’une place encore possible pour un individu considéré comme sujet et acteur de lui-même au sein des politiques sociales. Mais pour cela il faut d’abord secouer les discours entendus, les illusions et les vaines promesses. Ce premier fascicule inaugure un réel désir de démasquer les ressorts d’une action sociale par trop vieillie et enfermée dans ses habitudes. Sans renier la nécessité de maintenir des liens de solidarité, les auteurs dénoncent les mécanismes qui ont fini par dévoyer l’action sociale et la détourner de son sujet.
Gérard Laniez, qui veut à tout prix maintenir dans l’ombre son parcours de militant des droits de l’homme, fait œuvre de salubrité publique avec son séminaire de La Rochelle et cette collection si justement intitulée L’impensé contemporain qu’il dirige. Qu’il en soit remercié !
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