N° 1305 | Le 16 novembre 2021 | Critiques de livres (accès libre)
Panique à bord
L’enfance de notre pays, voire du monde, serait prise d’une épidémie soudaine d’atteintes psychiques : trouble de l’attention avec ou sans hyper activité, bipolarité, trouble oppositionnel avec provocation etc. En quinze ans, les MDPH ont vu leur nombre se multiplier par trois. Si l’auteur est bien loin de nier l’existence de ces dysfonctionnements, il met en cause la facilité avec laquelle les diagnostics les caractérisant sont menés et posés. Avec comme conséquences, un étiquetage qui stigmatise celles et ceux qui se montrent anxieux, passifs, rebelles, insécurisés ou qui déploient une énergie épuisante, chacune de ces dimensions étant assimilée à une déviance. Notre société ne fonctionne plus qu’avec des normes, des programmes, des protocoles standardisés et des contrôles qualité. Un élève ne se conformant pas au modèle ainsi défini sera jugé inadapté et devra être soumis, sans délais, à un traitement et à une rééducation. De tous les facteurs explicatifs psychiques, affectifs, familiaux, environnementaux, sociaux et sociétaux… pouvant intervenir dans ses difficultés, on n’en retient qu’un : un trouble neurodéveloppemental endogène. Or, un enfant peut être provisoirement handicapé ou différent, parfois du fait d’un décalage momentané de maturité affective. Vouloir le faire entrer à tout prix dans des cases préétablies, c’est ignorer le caractère conjoncturel et a priori transitoire de son trouble, renoncer à le voir évoluer à son rythme et ne pas respecter sa singularité. L’utilisation abusive des catégories de handicap, d’inadaptation et d’anormalité risque de transformer la moindre spécificité en pathologie. Il faut, tout au contraire, prendre le temps d’observer, de comprendre et de s’informer. En lieu et place de cette neuromania voulant trouver systématiquement un substrat anatomique et physiologique, tournons-nous vers la complexité qui caractérise l’être humain, en cultivant le multi déterminisme qui articule biologique, psychique et social. L’auteur passe en revue les différentes catégories confrontées à cette situation : depuis des parents angoissés qui sont rassurés par le diagnostic donné, car promesse de « guérison », jusqu’aux enseignants contraints de procéder à des batteries de tests et d’évaluations, en passant par les enfants dont certains ont un agenda de ministre rempli par les consultations d’une armée de rééducateurs. Un cri d’alarme salutaire.
Jacques Trémintin
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