N° 891 | Le 3 juillet 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Aborder la question de la pédophilie n’est guère facile, tant le malaise provoqué suscite la résistance à toute tentative de compréhension. D’autant plus, si l’on refuse de s’inscrire ni dans l’accusation, ni dans l’excuse. C’est pourtant le choix des auteurs qui ont privilégié une approche à la fois historique, psychiatrique, clinique, anthropologique, social, et juridique. L’objet de l’étude étant l’agresseur et non la victime, ils rappellent néanmoins la marque indélébile laissée chez l’enfant aux prises avec l’effraction tant de son corps que de son esprit produite par une jouissance étrangère et non métabolisable.
Pour autant, il n’est pas rare que le malaise provoqué par un tel acte, crée de la confusion, poussant à identifier à tort une parole, un regard, une caresse, voire un silence comme une intention sexuelle. Trop souvent, tout est emmêlé. Et l’on se met à confondre le crime sexuel (qui est une agression contre le corps de l’autre, quel que soit son âge) avec l’éphébophilie (attirance pour les adolescents) ou l’homosexualité (orientation vers des sujets du même sexe)… La pédophilie relève bien d’une pulsion impérieuse dirigée exclusivement vers l’enfant impubère : « Celui dont le corps ou l’esprit n’a pas encore choisi son sexe – l’ange par excellence » (p.113).
Pour autant, là aussi, il faut se garder des simplifications et généralisations abusives. Si le pédophile est attiré par l’enfant, toute attirance de cette sorte ne relève pas de la pédophilie. Des traits de perversion ne suffisent pas à qualifier quelqu’un de pervers. Il en va de même pour nombre de pédophiles qui ne passent pas à l’acte, se contentant de l’évocation imaginaire de leurs fantasmes, sans jamais les réaliser dans le réel. Mais, cette absence de concrétisation n’implique pas pour autant l’inexistence de toute perversité. Seuls les sujets qui ont une pulsion sexuelle non inhibée vont au bout de leur jouissance. Le pervers sadique jouit du forçage et de la contrainte qu’il impose (quel que soit l’âge de sa victime), là où le pervers pédophile prétend que l’enfant consent aux relations avec lui (quand il ne l’accuse pas de les avoir provoqués).
Il apparaît, en fait, que le pédophile est plus amoureux de l’enfance et de ce que cette classe d’âge représente et lui renvoie de sa propre histoire, qu’il ne l’est d’un être en particulier. Les auteurs détaillent, à partir d’exemples historiques et de vignettes cliniques, ce qui correspond à une dérive respectivement névrotique ou plus psychotique. Ils proposent, parfois, un cadre théorique un peu étriqué comme le prouve cette affirmation péremptoire qui nie l’existence de toute pédophilie chez les femmes : « Cela supposerait qu’il existe chez elle une forclusion de la castration et donc qu’elle hallucinerait avoir un pénis réel » (p. 123).
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