N° 1262 | Le 26 novembre 2019 | Critiques de livres (accès libre)
Autopsie d’une fable
En 1981, David Stockman, directeur du budget du président américain Ronald Reagan, formule pour la première fois la doctrine du ruissellement (trickle down effect) : en réduisant les tranches d’impôt supérieures, l’enrichissement des couches les plus aisées produirait de bons effets, en ruisselant à travers toute l’économie, profitant ainsi à tout le monde.
Arnaud Parienty décline les différentes versions de cette véritable arnaque, caution à une politique fiscale au profit des plus riches. Le ruissellement « naïf » veut faire croire que les sommes accordées aux couches supérieures finiraient dans les poches des plus pauvres, du fait des dépenses supplémentaires qu’il engendrerait. Le ruissellement « faible » suppose un effet global de stimulation sur la croissance et l’emploi. Le ruissellement « fort » imagine de nouvelles rentrées fiscales du fait de l’accroissement de l’activité économique qu’il induirait, venant donc compenser les cadeaux fiscaux.
Sauf que, dans la réalité, tout cela ne se confirme que rarement. Tout dépend d’abord de la rémunération respective des investissements productifs et des placements financiers : si les taux d’intérêt des prêts sont élevés, mieux vaut placer son argent que s’endetter. Ensuite, cette manne financière peut être utilisée par les entreprises pour tout autre chose que la création d’emplois : délocalisation, achat d’un nouveau siège social, innovation par l’automatisation, augmentation du montant des dividendes des actionnaires.
Enfin, des exemples historiques montrent que le taux de croissance n’est pas forcément lié au taux maximal des impôts : les USA ont ainsi connu 3,86 % de croissance entre 1950 et 1970 avec un impôt marginal de 84,3 %, alors qu’entre 2003 et 2007 il n’était que de 2,79 % avec une fiscalité réduite à 35 %.
Jacques Trémintin
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