N° 1284 | Le 24 novembre 2020 | Critiques de livres (accès libre)
Et le savoir expérientiel, bordel ?
Les travailleurs sociaux sont le plus souvent titulaires d’un diplôme d’État. Pourtant, un nouveau partenaire est dorénavant fondé à intervenir : l’usager qui soutient un autre usager. La pratique n’est pas nouvelle, prenant ses racines dans la tradition du Self-help, cette solidarité entre personnes confrontées aux mêmes difficultés que l’on retrouve dès les épidémies du moyen-âge. Mais, c’est avec les Alcooliques anonymes, créés en 1935 aux USA, qu’émerge la notion moderne de pair-aidant. Celle de pair émulation apparaîtra avec le mouvement américain des droits civiques (1 960). Cette approche arrive en France en 1994. Elle va s’amplifier sous l’impulsion de la nouvelle classification du handicap (2 001) qui décentre la déficience de l’individu, pour la tourner vers la société et sa capacité à accueillir et compenser la personne qui la subit. La loi de 2002, qui met l’accent sur la participation des usagers, renforce encore cette vision. Celle de 2005 en fait de même, en créant les Groupes d’entraide mutuelle dans le secteur de la santé mentale qui intégrera en 2012 la fonction de Médiateur en santé pair. Suivront les concepts de Rétablissement et d’Inclusion centrés sur l’accueil de la différence, partie prenante du vivre ensemble. C’est donc bien un changement radical de paradigme auquel on assiste. Enfermée jusque-là dans une position passive d’objet de soin et d’accompagnement, la personne en situation de handicap et/ou de maladie devient une ressource. Familiarisée au vécu du patient, de par la connaissance intime de sa souffrance, elle prend sa place aux côtés du professionnel, en assurant une fonction d’interface entre l’un et l’autre. La légitimité des savoirs n’est donc plus seulement académique. Elle s’abreuve aussi, dorénavant, aux savoirs expérientiels.
Jacques Trémintin
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