N° 1192 | Le 29 septembre 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les violences sexuelles d’adolescent
Claude Savinaud et Alain Harrault (sous la direction)
L’adulte agresseur sexuel est considéré au mieux comme un malade qu’il faut soigner, au pire comme un délinquant qu’il faut enfermer. Quand c’est un·e adolescent·e qui commet ce passage à l’acte (soit 2 à 4 % de la délinquance juvénile), c’est la sidération qui l’emporte, au point que pendant longtemps les familles des victimes et des agresseurs trouvaient des arrangements. Certaines conduites sexuelles déviantes survenues à cet âge peuvent n’être qu’un accident de parcours, voire une manifestation un peu bruyante de la puberté, tout autant que l’amorce de comportements répétitifs. En outre, il faut se garder de projeter les représentations de la sexualité adulte sur la sexualité infantile.
La sexualité ne surgit pas du néant à la puberté, mais se construit dès l’enfance, dans l’interaction avec les parents, les proches, mais aussi le groupe de pairs. Quant au tolérable et l’intolérable, l’admis et l’inadmissible, « la sexualité est un domaine où les frontières du licite et de l’illicite, du normal et du pathologique, du conforme et du déviant sont tout à la fois floues, instables et en perpétuelle évolution » (p. 52). Si l’apprentissage des limites occupe une place centrale dans le domptage de la vie pulsionnelle, ce type d’agression marque le règne des processus primaires, de la régression narcissique, de la tentation de l’agir, de l’instauration d’un fonctionnement pervers.
Parmi les facteurs aggravants, on compte la quête de sensations fortes, la prise de toxiques, la difficulté à temporiser, la valorisation à outrance de la posture active et virile privilégiant la possession, la domination et l’intrusion. Ce qui est protecteur, c’est la pleine conscience que l’autre dispose d’un corps et de désirs qui lui sont propres et qu’il n’est pas systématiquement disponible ou consentant.
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