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• TERRAIN - Au cœur de l’Aide à domicile

Le dossier du numéro 1296 de Lien Social est consacré aux plus invisibles des professionnelles du travail social. Petit avant-goût des reportages que nos abonnés pourront retrouver tant en ligne que dans la revue papier.

On les désignait auparavant comme les « collaboratrices » des associations d’« aide aux mères de famille », puis comme « travailleuses familiales » et enfin à compter de 1999 comme « Technicienne de l’intervention sociale et familiale (TISF). D’autres professionnelles furent longtemps appelées « Aide-ménagères », avant de devenir en 1987 « Aides à domicile ». Les dénominations changent. Le mépris reste. Trop souvent assimilées à un sous-métier se réduisant aux tâches ménagères, la véritable action de ces professionnelles est ignorée, négligée, quand elle n’est pas déniée.
Pour elles, tout commença par l’implication du catholicisme social et la création, en 1920, de l’association d’« Aide aux mères de famille  ». En 1945, 135 déclinaisons locales s’étaient démultipliées sur tout le territoire. Se donnant pour mission de soutenir les « mères courageuses », chacune leur adressait des « collaboratrices » chargées « en balayant, ravaudant, cuisinant  » de « maintenir le niveau moral qui sauve les maisons » (sic !).

Dans les Côtes d’Armor, c’est le 25 septembre 1943 qu’est créé « Domicile Action Trégor ». Cette association a accumulé près de quatre-vingt ans d’expérience de l’aide à domicile. Ses dernières décennies ont été marquées par une capacité d’adaptation de créativité. Elle n’a cessé d’innover, en concevant des ateliers collectifs de couture ou de cuisine permettant aux mères de sortir de leur isolement ; en organisant des opérations vacances dans des « mobiles homes » où se côtoient familles et TISF ; en intégrant le secrétariat aux évaluations au sein même des familles demandeuses ; en favorisant l’accès à la culture ; en proposant des activités physiques extérieures ; etc.

Cultiver la réactivité, son Conseil d’administration y est attaché, lui qui est animé d’une énergie volontariste sans grande limite autres que les freins imposés par les financeurs : « à toujours vouloir modérer le coût des prestations, on s’attaque à l’humain qui est pourtant au cœur de l’intervention de nos salariées » affirme Eucher Scalbert, son secrétaire. « Il ne nous faut rien lâcher face au rouleau compresseur qui ignore l’importance de la relation » confirme Claude Briant, administrateur lui aussi. « Nous avons été encouragés à nous rapprocher des autres associations du département. Nous y avons renoncé, par crainte de perdre nos valeurs  » conclut Jean-Michel Roisné son Président.

Comme le petit village gaulois d’Astérix, voilà une association qui défend et promeut l’exception dans un monde où l’humanisme est menacé par l’exigence de rentabilité. Combien de temps pourra-t-elle encore tenir ?

Peut-être en rendant visible l’action quotidienne des professionnels de première ligne qu’elle missionne auprès des familles … L’association a eu la riche idée de demander à une écrivaine de talent, Gersende de Villeneuve, donner la parole à ses salarié(e)s, en regroupant leurs témoignages, Ce sont bien les vingt aides à domicile et les treize Techniciens de l’intervention sociale et familiale qui sont mises à l’honneur dans un livre publié en début 2021 (1). On y parle du quotidien d’un travail méconnu et de la fierté de l’exercer. Car, faut-il le rappeler, ce ne sont pas des femmes de ménage !

Bien sûr, on n’est plus dans les ambitions d’il y a juste un siècle, à l’époque des pionnières, consistant à remettre dans le droit chemin « la bourgeoise qui se décharge des devoirs de la maternité  » ou « la femme du peuple négligente et paresseuse ». L’objectif contemporain est bien de répondre aux besoins des familles fragiles pour prévenir les exclusions, favoriser l’autonomie et promouvoir la citoyenneté et la cohésion sociale. Combien de mères affaiblies par la maladie ou la grossesse qui leur doivent d’avoir pu dépasser leurs épreuves ? Combien de familles ont pu éviter le placement de leurs enfants, bénéficier des visites de ceux qui l’étaient ou obtenir leur retour, grâce à leur médiation ?

Qu’il est difficile parfois de trouver les bons mots pour désigner la qualité et la force du travail quotidien de ces professionnelles. Il suffit juste d’ouvrir « Histoires de familles » (1) pour trouver des paroles que seules des personnes éprouvant la réalité du terrain peuvent formuler avec tant de force, de justesse et de vérité. Démonstration est faite que ces petites mains sont de grandes dames du social.

Jacques Trémintin


(1) « Histoires de familles » Gersende de Villeneuve, Ed. Du Léguer, 2021, (215 p. – 12 €)
À retrouver dansLien Social n°1296 notre dossier sur le travail à domicile