N° 1282 | Le 27 octobre 2020 | Critiques de livres (accès libre)
Nourrir l’espérance
La clinique de la rue nous oblige à rêver pour les autres, pour qu’ils redémarrent. Antoine Courtecuisse a pris cette affirmation à la lettre, se glissant alternativement dans la peau de Claude qui vit à la rue et celle de Christine, l’éducatrice avec qui se tisse petit à petit une relation de confiance. Le lecteur ressentira ainsi directement un quotidien plein d’effroi où l’on se réveille frigorifié dans des vêtements lourds de pluie, ressentant les vibrations des pas de celles et ceux qui passent à vos côtés. Il percevra ce sentiment de ne plus faire qu’un avec la rue et un décor où l’on ne semble plus vous distinguer du réverbère ou de la poubelle urbaine. Il imaginera combien sans fric, sans adresse et sans travail, la spirale de l’échec peut laminer. Il ressentira le sentiment de déchéance ressentie en s’asseyant avec cette communauté hébétée affalée autour de la table en formica de l’accueil de jour, leur visage sale, hirsute, méconnaissable reflétant les stigmates de la rue. Et pourtant, ce lieu est le seul à se préoccuper de vous, quand la perte et le manque ont creusé un vide en apparence impossible à combler. C’est le seul lieu pourtant où se poser et exister. C’est là où une travailleuse sociale peut croire en vous, attendre que vous soyez prêt à vous reconstruire, vous relier à cette vie passée où vous étiez maçon à votre compte et en charge de famille. L’espoir n’est pas toujours vain.
Jacques Trémintin
Dans le même numéro
Critiques de livres