N° 1193 | Le 13 octobre 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La dérive sécuritaire cible la jeunesse, comme une classe d’âge dont la dangerosité potentielle est mesurée à partir de la thématique des incivilités devenues l’archétype de la transgression entre des sociabilités inoffensives jusque-là banales et des pratiques criminelles bien plus graves. Les rassemblements dans les espaces publics sont dénoncés comme criminogènes, la phobie sociale qui stigmatisait autrefois le vagabondage se centrant aujourd’hui sur l’immobilité de jeunes dans une société survalorisant le mouvement et la vitesse.
Cette réaction est directement liée à une élévation des seuils de tolérance et à la pénalisation des actes de moindre gravité. Si elles ont bien une existence objective, ces incivilités ne peuvent être isolées de leur contexte au risque de stigmatiser les quartiers d’habitat social perçus à partir du seul prisme de la sécurité. On n’est plus dans le travail avec autrui, ni dans celui pour autrui, mais dans le travail contre autrui : contrôles d’identité à répétition, refus d’accès à certains équipements, correspondants police-éducation ou îlotiers scolaires, ultrasons utilisés par certains commerçants pour faire fuir les clients les plus jeunes seuls capables de les percevoir, etc. Tout cela perdurera tant que l’administration policière de la dangerosité juvénile sera orientée vers le calfeutrage de la vitre cassée, plus que sur le démontage du plafond de verre.
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