N° 1214 | Le 5 octobre 2017 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La puissance maritale s’imposant aux femmes comme aux enfants a longtemps été la norme incontestée. Proverbes, brocards, pièces de théâtre, chansons sont nombreux qui contribuent alors à pérenniser l’idée d’un droit de correction du mari sur son épouse, fondé sur la nature des choses. La tradition s’effrite toutefois à la Révolution. Même si l’article 213 du Code civil édicté en 1804 valide la dépendance de la femme à l’autorité domestique du mari (aboli seulement entre les deux guerres) et même si le code pénal de 1810 incrimine l’infanticide et le parricide (oubliant toutefois les violences conjugales), les mœurs évoluent progressivement. La volonté s’impose de pacifier les relations au sein comme en dehors du couple.
Mais la pénalisation des coups et blessures se heurte au conservatisme chrétien validant la toute-puissance maritale et faisant de l’homme le maître de l’espace familial. Finalement, c’est le trouble à l’ordre public qui sera invoqué par le parquet pour entamer des poursuites contre les brutalités commises sur les femmes. Du franc symbolique d’amende au trois années d’emprisonnement, les peines infligées par la justice de la société patriarcale font l’objet d’un traitement à chaque fois singulier.
Les circonstances venant peser sur le verdict varient en fonction de la fréquence des coups donnés, des regrets manifestés, de la bonne réputation dont jouit le conjoint violent, de son rang social, mais aussi… des pleurs de la victime désireuse qu’on lui rende son mari ! Si les magistrats du 19e siècle n’ont pas laissé impunies les violences au sein des couples, la lenteur de la métamorphose des valeurs morales aura imposé un long temps pour qu’enfin celles-ci deviennent des crimes comme les autres.
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