N° 1223 | Le 20 février 2018 | Critiques de livres (accès libre)
Jusqu’à la loi d’interdiction votée en 1979 par la Suède, quasiment toutes les sociétés humaines ont frappé leurs enfants, afin de redresser leur nature qu’elles estimaient mauvaise. La recherche de Daniel Delanoë, qui s’appuie tant sur l’ethnologie, l’histoire que le droit, démontre combien l’application des châtiments corporels relève d’un fait culturel socialement construit.
Si rien ne les justifie ni scientifiquement, ni juridiquement, plus de 150 études internationales ont démontré leurs effets délétères tant à court qu’à long terme. Leur persistance s’explique par ce sanctuaire qu’a longtemps constitué l’espace familial : ce qui a toujours été proscrit dans le reste de la société était autorisé au père qui pouvait battre sa femme, ses enfants, ses serviteurs ou ses esclaves.
Pourquoi ce qui était banalisé autrefois l’est-il de moins en moins ? L’hypothèse reprise par l’auteur est séduisante. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs avaient besoin que leurs membres fassent preuve du sens de l’initiative et de l’autonomie. C’est sans doute pour cela que les Inuits du Canada, les !Kung du Kalahari, les Semoi de Malaisie ou encore les Pygmées Mbuti du Congo ne battent pas leurs enfants. Les conflits existaient tout autant. Mais on y avait appris à gérer la colère et les émotions, en s’éloignant ou en ayant recours à l’humour, à la plaisanterie ou au ridicule.
Les sociétés agraires et industrielles, quant à elles, fonctionnent avec des exécutants obéissants et soumis, son éducation violente cherchant à briser la résistance de l’enfant pour le transformer en adulte docile et discipliné. Si la société post-industrielle remet en cause les châtiments corporels, c’est parce qu’elle attend de ses membres créativité, coopération et sens de la négociation.
Par Jacques Trémintin.
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